La Corée, les jeux, Internet et les jeunes

On parle beaucoup à l’étranger des jeux vidéo en pleine expansion en Corée. Qu’en est-il au juste ?

1) Est-ce différent par rapport à la situation en France ?

Oui, car ici c’est d’abord un vrai phénomène…Imaginez : des milliers de personnes crier dans un stade, les fans sont là, les banderoles sont sorties, et malgré la pluie, l’ambiance est à son comble. Mais sur la pelouse, ce n’est pas l’équipe nationale de football, mais deux adolescents (Coréens) devant des (leurs) ordinateurs. Certes c’est moins sportif, quoique avec une très bonne paire de jumelles, on doive voir les doigts s’activer sur le clavier avec une extrême agilité… Alors pourquoi un tel engouement ?

L’un des deux ados est Lim Yo Han, une vraie star en Corée, autographes, émissions de télévision, fans-clubs immenses…et il est défié en finale sur le jeu le plus populaire de la péninsule, à savoir « Starcraft »…quel événement !

Inimaginable l’importance que revêt le jeu vidéo en Corée, ou pas moins de 20% de la population affirme jouer, et où sont hébergés les « World Cyber Games » compétition internationale de jeux vidéo, patronnée par le Président et le Ministre de la Culture, qui se déroule comme des jeux olympiques avec cérémonies, catégories, différentes compétitions et un véritable esprit d’amitié internationale.

En Corée, le marché du jeu vidéo avoisine les 900 millions de dollars ! Un marché immense et en pleine expansion : des éditeurs de jeux ont vu leur chiffre d’affaire augmenter de plus de 600% en un an, quant à « Blizzard », créateur anglais de « Starcraft » et « Diablo », il réalise la majorité de ses ventes en Corée.

2) Est-ce vrai que des joueurs gagnent leur vie en jouant ?

La Corée est un des rares pays a pouvoir donner un statut professionnel aux joueurs : les fameux « pro-gamers ». Sponsorisés, ils s’affrontent dans des émissions de télévision, dans des compétitions.

Une fois célèbres, ils font aussi de la publicité et amènent une image de marque à des événements ou des entreprises.

Le plus célèbre, Lim Yo Han, que l’on peut même qualifier de « star-gamer », gagne plus d’un million de dollars par an !

Quand on est jeune et que l’on aime les jeux vidéo, cela peut faire rêver… Mais il faut savoir qu’il s’agit d’un vrai métier, et non pas simplement d’être payé en s’amusant. D’ailleurs jouent-ils vraiment ? Ils doivent tout savoir de quelques jeux, les étudier, apprendre les techniques, élaborer des stratégies et connaître les derniers plans des autres pro-gamers, rester connecté sur l’actualité des jeux, en connaître tous les derniers développements. Car les jeux se développent beaucoup en dehors de leurs créateurs grâce à la communauté Internet qui produit des mises à jour, de nouveaux personnages, nouvelles cartes, nouvelles armes…

Et comme des sportifs, ils doivent s’entraîner, gagner, et bien sûr trouver et conserver un sponsor.

Des millions de jeunes sont accros aux jeux vidéo et les places de « pro-gamers » (environ 300) sont rares et restreintes à la Corée.

Ceci dit, les « pro-gamers » sont plutôt heureux en Corée, et si la compétition est rude, c’est toujours en toute amitié.

Ajoutons que c’est un milieu ouvert aux étrangers ! D’ailleurs un Français y est même devenu célèbre : un certain Bertrand, blond aux lunettes de surfer, que tous les gamers coréens connaissent sous la prononciation « bêltelan » !

3) Les PC bang

Les cybercafés, appelés ici « PC bang » (PC?) sont sûrs et très bien équipés. Ils sont fréquentés par des joueurs de tous les âges. Ce sont d’immenses salles, bourrées d’ordinateurs, dans lesquelles on peut jouer sur l’ordinateur pour une somme modique variant de 1000 à 1500 wons de l’heure, soit entre 5 à 10 fois moins cher qu’en France !

Les salles des PC bang sont surveillées par des adultes et dans les quelques 25000 PC bang que compte la seule capitale Séoul ; on peut en trouver à chaque coin de rue.

Seul regret, les gens plus âgés y fument beaucoup, mais une loi désormais oblige les PC bang à avoir une salle arrière pour les non fumeurs.

4) Les jeux, que sont-ils ?

Les jeux en ligne, massivement multi joueurs dans des univers persistants (RPG) sont très en vogue en Corée. Vous y incarnez, comme d’autres millions de joueurs, un personnage dans un autre monde où vous vous trouvez en même temps que d’autres, et donc alliances, rencontres, aides, échanges sont donc possibles pour faire évoluer votre « perso », faire des « missions », tuer des monstres… Un des plus célèbres est « Everquest », mais face au succès que ce type de jeu rencontre ici, les Coréens ont créé les leurs : Lincage I et II, MU, Ragnarok et j’en passe…

Le problème de ces jeux est l’effet de dépendance qu’ils créent… En effet, quand vous vous arrêtez de jouer, le jeu lui continue encore avec des milliers, des millions d’autres joueurs…on voit ainsi des cas extrêmes ou des jeunes Coréens passent une semaine entière dans la salle se nourrissant de « nouilles instantanées » et dormant peu ou pas, ce qui causa même des décès (6 en 2003 !).

Sans parler seulement des cas extrêmes, il faut aussi savoir distinguer entre le joueur qui aime le jeu vidéo, les rapports entre amis que cela crée, la culture du jeu vidéo qui est immense chez les jeunes Coréens, et le joueur fanatique qui s’y réfugie car il est en échec scolaire et a des problèmes relationnels avec sa famille, ses amis, son entourage.

Autre problème à noter de ces jeux : les « items » : quand un autre joueur vous propose de lui acheter une « épée magique niveau 4 », ou une « potion vitalisante », voire même un personnage complet, alors qu’il vous faudrait encore tuer des petits animaux pendant une semaine pour avoir le nombre de points suffisants qui vous permettrait de sortir de la « vallée enchantée » et d’aller vous confronter à des monstres d’un niveau supérieur, difficile de ne pas mettre la main au porte-monnaie, le vrai !

Beaucoup de joueurs se rémunèrent ainsi, en revendant des objets aux nouveaux arrivants. Et certains chômeurs qui y jouent beaucoup, parviennent à collecter un vrai salaire de cette façon, ce qui n’est pas sans poser de problèmes judiciaires et éthiques…

D’un point de vue personnel (non professionnel !), je trouve ces jeux assez abrutissants. Les joueurs n’ont l’air que de donner mollement des coups d’épée, pour massacrer de façon répétitive des hordes de divers monstres pour gagner lentement des points.

5) Starcraft : C’est le jeu numéro un en Corée !

Un succès immense qui rassemble la majorité des « gamers » Coréens depuis déjà 6 ans ! 2 à 8 joueurs s’affrontent sur une carte. Ils ont au choix 3 races différentes : Humains, Zergs (sorte d’Aliens) et Protos (humanoïdes cérébraux très évolués) avec chacune leurs particularités.

Ils commencent par récolter du minerai et du gaz qui leur permet de construire des bâtiments, puis de ces bâtiments, ils construisent des soldats et des unités, qui sont très variés et évoluables à condition de construire des bâtiments spéciaux.

Mais tout cela coûte cher en minerai et gaz… Les unités sont ensuite utilisées par groupes pour attaquer ou défendre avec des attaques spéciales pour certains, et chacune limitée et complémentaire des autres…

Bref un jeu de stratégie sans grande violence, d’une extraordinaire complexité et liberté de jeu.

Les Coréens sont les maîtres mondiaux dans ce jeu et dans les salles beaucoup trichent aussi !

6) Les Coréens, « accros » de l’Internet ?

30 millions de Coréens (66% de la population !) utilisent Internet et la tranche d’âge la plus branchée sont les jeunes (10-30 ans) avec 94% d’utilisateurs !

Appelée « n-generation », 60% de ces jeunes Coréens déclarent ne pas pouvoir se passer d’Internet !

Une campagne du gouvernement coréen, d’ailleurs, montre une mère de famille qui se met à « chatter » par ordinateurs interposés pour surprendre et renouer le dialogue avec son fils qui vient de rentrer de l’école… Mais est-ce là la vraie solution ?