Qui étaient ils?
On donne généralement le nom de “martyrs” à des personnes qui donnent leur vie pour une juste et noble cause. Mais, nous chrétiens, nous appelons “martyrs” ceux qui donnent leur vie pour Dieu, qui sacrifient leur vie pour Dieu et Son Église.
Nous savons que l’Église a commencé au milieu des persécutions et qu’après Jésus Christ, on peut le dire, les fondateurs de l’Eglise ont été des martyrs. Beaucoup de premiers chrétiens ont donné leur vie à Dieu comme confesseurs de la foi. Les premiers papes ont tous été des martyrs. C’est ainsi que jusqu’à la fin des temps carolingiens, l’Eglise a réservé le titre de “saints” et de “saintes” aux martyrs seulement. On appelait donc “saints” et “saintes” ceux et celle qui avaient été martyrs. Nous pensons que rien n’éclaire mieux un chrétien sur le sens profond de sa religion que l’histoire extraordinaire des martyrs au cours des siècles. C’est pourquoi l’Eglise de Corée consacre le mois de septembre aux saints martyrs de son pays (103).
Il s’agit en effet de 103 personnes, toutes torturées et décapitées par l’épée dans de nombreux endroits de Corée. C’est ainsi qu’il y a aujourd’hui en Corée une multitude de “lieux saints” où ont vécu et où sont morts les martyrs. Tous ont été tués pendant les différentes persécutions au cours du XIXème siècle, sur ordre d’un décret royal.
Regardons nos “martyrs” de plus près!
Premier étonnement: ce sont pour la plupart des laïcs! Bien sur il y a quelques évêques et prêtres étrangers (10 français de la Société de Missions Étrangères de Paris) et le Père KimTaeGon André qui est le premier prêtre Coréen.
Mais le plus grand nombre sont des laïcs et je pense que c’est là un signe de la vitalité très grande du christianisme en Corée au XIXème siècle; Car une Église vivante, si elle est une Église qui a des saints prêtres, certainement, est aussi une Église qui a des saints laïcs, et tous ces laïcs morts pour leur Foi sont un signe de la vitalité du christianisme en Corée.
D’autre part, parmi ces laïcs morts “martyrs”, beaucoup sont des femmes. C’est le résultat d’une situation qui signifie que les femmes coréennes étaient très fidèles généralement à la foi et très réceptives au contenu de l’Évangile. Et nous pouvons voir aussi, à notre époque où le capitalisme envahit tout le pays, que les femmes coréennes se montrent plus résistantes que les hommes à la société de consommation.
Et puis, on peut faire aussi une observation de caractère sociologique: ces 103 martyrs, c’est toute la société coréenne qui est représentée, et qu’il n’y a pas que des pauvres, il n’y a pas que des riches, il n’y a pas que des nobles, il n’y a pas que des simples gens… tout le monde est représenté; c’est un échantillon parfait de la société coréenne du XIXème siècle toutes classes sociales confondues. C’est ainsi qu’il y a le clergé, il y a des nobles de la classe lettrée, et quand on descend dans l’échelle de la société, on trouve tout le monde… des rentiers, des marchands, des fabricants, des militaires, des enseignants, des artisans, des riziculteurs, des fileuses, des domestiques…
Si on regarde maintenant la géographie, ce sont des gens qui sont originaires de toutes les régions du pays. Mais la plus grande originalité de ce groupe des 103 martyrs, c’est finalement qu’il n’existe pas! Oui, il y a 103 martyrs, mais ils sont tous morts dans des endroits différents et que beaucoup d’entre eux ne se connaissaient pas. C’est la mort qui les a réunis, mais dans la vie, ils ne se connaissaient pas ou peu. Bien sur, il y avait des familles, des personnes d’un même village, mais souvent ils ont été tués séparément, en plusieurs fournées.
Pourquoi sur les milliers de “martyrs” tués pendant les persécutions en Corée, seulement 103 ont été retenus pour être canonisés par le Pape Jean Paul II.
Parce que les historiens ont pris les archives, les documents, les procès, les interrogatoires! Ils ont regardé les questions, (qui ont été posées lors des interrogatoires) et les réponses.
D’après ces questions et ces réponses, on a pu déterminer qui était mort pour la Foi, qui méritait le titre de “martyr”. On a ensuite réuni tous ceux qui méritaient ce titre, on a formé cette phalange glorieuse, cette troupe magnifique de 103 martyrs.
Combien les persécutions sur ordre du Régent, ont-elles tuées de monde? Personne ne peut nous le dire avec exactitude. On n’a jamais fait un calcul exact. Beaucoup de personnes, qui ont été tuées au sanctuaire de Choltusan (montagne de la décapitation) à Séoul, sont des martyrs “anonymes”… plusieurs milliers en tout cas! Vous me diriez que nous sommes blasés maintenant, car on apprend des événements de ce genre tous les jours ou presque! Vous me direz que l’époque contemporaine nous a habitués à de très grands massacres. En effet, nous avons un peu l’habitude: Hitler d’abord, Staline, Pol Pot… ceux ci ont fait beaucoup mieux que n’importe qui… Mao Tsé Toung, Kim Il Sung (Corée du Nord) et d’autres… Oui, seulement ce qu’il faut voir, c’est qu’au moment où ces persécutions se passent en Corée, ce sont les premières dans l’histoire de la Corée…
Je veux dire que c’est la première fois qu’on tue dans le monde en si peu de temps à cause d’une religions étrangère… Cela, c’est une grande première.
Bien sur, en Corée, il y a eu des guerres, des invasions qui ont tué du monde… il y a eu des siècles, des combats maritimes meurtriers, des populations passées au fil de l’épée; quand un Royaume dominait un autre royaume, on tuait beaucoup de monde. Cela arrivait souvent; seulement ici, ce n’est pas la même chose. Les persécutions des chrétiens est un assassinat légal, c’est un assassinat judiciaire par décret royal! On tue les chrétiens de façon légale et en observant les formes de la loi de l’époque. C’est ainsi que avant de les tuer, on remplit quelques formalités judiciaires. On va les tuer légalement, donc on les torture, on les interroge et on prononce une sentence qui est inscrite au procès verbal. Ces pièces sont très importantes car ce sont des pièces à conviction, celles qui prouvent le “martyr”. Ce sont les documents qui contiennent la justification du martyre, la confession de foi des martyrs, et par conséquent le principe de leur gloire éternelle!. Il y a deux ou trois questions, deux ou trois réponses et puis, en bas, la sentence…
Nous avons le récit et les lettres des “condamnés” relatant leur vie en prison… Un Père de l’Église a dit que les martyrs souffrent une “condition hivernale”, c’est à dire qu’ils traversent dans les derniers instants de leur vie un véritable “hiver”, une saison hivernale. Ce Père de l’Église voulait sans doute évoquer la solitude, le dénuement, la faim, la soif, la pauvreté, la lamentation des victimes au moment où ils sont torturés, jugés, mis à mort… Le diable disait un historien, se plait à tenter les martyrs en jouant sur leurs faiblesses. Mais les futurs martyrs se distinguèrent toujours par leur foi, leur sérénité, leur paix au moment de la mort. Souvent au moment de la mise à mort, le spectacle était empli de sérennité tout à fait étonnant, et qui ne peut s’expliquer que d’une façon surnaturelle… absence totale de peur devant la mort, absence d’effroi devant la mort!
Un Père de l’Église nous dit qu’avant de rendre le dernier soupir, les martyrs voient la vie éternelle qu’ils ont la “vision béatifique”. Et ce même Père de l’Église appelle “baptême de sang” la mort douloureuse des martyrs.
C’est fini! Les martyrs ont vécu jusqu’au bout l’hiver!, leur hivers. Ils sont morts en martyrs chrétiens parce qu’ils avaient vécus en chrétiens, parce qu’ils avaient été instruits et préparés par une vie chrétienne.
Si on a la foi bien sûr solide on sait que Dieu fait ce qu’il veut des mérites, et des mérites des martyrs en particulier. Dieu utilise comme Il l’entend. Mais je crois que le sacrifice de tant de martyrs en Corée au moment des persécutions a permis à l’Eglise Coréenne de se développer et d’instaurer un “printemps” de l’Église… L’hiver des martyrs est fini, c’est vraiment le début de la belle saison, c’est le début du printemps! Les martyrs de Corée ont achevé leur hiver, ils jouissent maintenant de leur “éternel été”.