Bouddhisme

Du bouddhisme en général et du bouddhisme coréen en particulier

Il est impossible de comprendre la culture coréenne dans laquelle nous sommes immergés chaque jour sans un minimum de connaissance sur le bouddhisme.
Le bouddhisme est la « religion » annoncée de la majeure partie des coréens, et le visiteur étranger en ballade ne peut qu’admirer la vitalité de la pratique.
Il suffit de se promener un dimanche sur n’importe quelle colline de Séoul, pour s’apercevoir que tous les marcheurs de 7 à 77 ans se recueillent ensuite dans un temple, perdu dans la verdure, qui les accueille au sommet…

1 – la vie du Bouddha historique

Bouddha est un personnage historique né en Inde au VIème siècle avant J.C. Il appartient a une illustre famille noble, les Gautama, et y reçoit une éducation soignée. Mais il quitte son palais à l’age de 29 ans pour commencer une vie d’ascète. A 35 ans, il vit son « éveil », qui lui permet de trouver la voie pour stopper le cycle infernal des naissances et des morts et parvenir au « Nirvana ». Il prêche ensuite jusqu’a sa mort à l’age de 80 ans.
Les récits de la vie du Bouddha, perpétués par la tradition orale, ne seront rédigés que quelques centaines d’années après sa mort. Les écritures bouddhistes mélangent métaphysique et légendes concernant la vie du Bouddha : c’est d’ailleurs le mythe de la vie de Bouddha qui est reconnu par les adeptes.

2 – La vie du Bouddha légendaire

La légende du récit de la naissance de Siddhârta Gautama indique qu’il serait né dans un bois sacré du Népal, pendant un déplacement de sa mère qui aurait conçu Siddhârta en songe, pénétrée au sein par un éléphant blanc à six défenses. Elle aurait accouché sur la route qui conduisait chez ses parents. Sitôt né, l’enfant se serait mis debout et aurait « pris possession » de l’univers en se tournant vers les 4 points cardinaux, puis aurait fait sept pas vers le Nord.
L’enfant, qui apprendra les lettres, les sciences, les langues, sera initié à la philosophie hindoue par un brahmane. Un officier lui apprendra à monter à cheval, à tirer à l’arc, à combattre avec la lance, le sabre et l’épée.
Les soirées seront consacrées à la musique et, parfois, à la danse. Le prince tombera amoureux et épousera Yasodara, sa cousine germaine, à l’age de vingt ans. Ils donneront naissance a un garçon Rahula.
Siddhârta Gautama, qui s’ennuie, entreprend souvent de longues promenades. Il rencontrera successivement un vieillard qui marche avec peine, un pestiféré couvert de bubons purulents, une famille en larmes qui transporte le cadavre d’un des siens vers le bûcher.
Le prince Siddhârta Gautama comprends alors que, si sa condition le met à l’abri du besoin, rien ne le protégera jamais de la vieillesse, de la maladie et de la mort.
Tourmenté par ces expériences de misère, il décide alors de renoncer au monde, quitte sa famille pour chercher et étudier la « voie du salut ».
Siddhârta entreprend une vie d’ascète itinérant pendant six ans, s’initie au Yoga et se contraignant a un jeune total, atteint l’extrême limite de la mortification, Proche de la mort, sans être parvenu à son but, il comprend l’inutilité de l’ascèse comme moyen de délivrance, et renonce au jeune. Il se concentre dès lors sur la méditation et la « voie moyenne » celle qui consiste à nier les excès, en refusant a la fois le laxisme et l’austérité excessive.
Les cinq disciples qui l’avaient accompagné, scandalisés, se pensant trahis, l’abandonnent.
Siddhârta Gautama s’assied alors en position du lotus sous un pippal (Ficus religiosa) et fait le vœu de ne pas bouger avant d’avoir atteint la vérité. Il subit alors les assauts de Para, démon de la mort, qui tente de le sortir de sa méditation en lançant contre lui des hordes de démons effrayants et des filles séductrices. Siddhârta résiste aux assauts. En trois longues nuits de veilles, Siddhârta accède a « l’Eveil ». Il s’appellera désormais « Bouddha ». Il affirmera être parvenu à la compréhension des causes de la souffrance humaine et des étapes nécessaires à son élimination, à la connaissance des cycles des naissances et des morts, et des moyens pour s’en délivrer.
Le « Bouddha » incite sur le fait qu’il n’est ni un dieu, ni le messager d’un dieu et que l’illumination n’était pas le résultat d’un processus, ou d’un, agent surnaturel, mais plutôt le résultat d’une attention particulière à la nature de l’esprit humain, qui pouvait être découverte par n’importe qui.
Bouddha retrouve alors ses disciples qui se convertissent. Durant les quarante années de sa vie, dans la région du Gange et de ses affluents, il enseignera sa pratique en matière de méditation, et fondera des communautés de moines et de nonnes pour perpétuer des enseignements après sa mort. (il décèdera à Kusinagar en Inde dans l’actuel Uttar Pradesh, à l’age de 80 ans).

3 – Diffusion et évolution du bouddhisme

A l’origine, le bouddhisme est essentiellement une « doctrine du salut » réservée aux moines. Il vise à libérer l’être vivant de l’existence (nécessairement pénible), à briser l’enchaînement des vies qui se succèdent sans fin, car on ne meurt que pour renaître. Mais très vite des divergences doctrinaires se multiplient et de nombreuses sectes se développent. On distingue aujourd’hui trois grandes « voies »

A – le petit véhicule (Hinayana)

C’est la voie traditionnelle, celle qui suit la version la plus ancienne des enseignements de Bouddha.
Dans cette « voie », seuls les moines peuvent atteindre le « Nirvana » :la « Voie de la Délivrance » ne peut guerre être suivie jusqu’au bout que par les ascètes mendiants subsistants d’aumônes, soumis à une discipline sévère et austère.
Ces moines doivent pratiquer des exercices variés, appelées en général : « méditation », et apparentes au yoga, pour affaiblir et supprimer erreurs et passions, obtenir la vision parfaitement claire de la réalité et la sérénité parfaite du « Nirvana » et devenir ainsi des « arhants » (hommes méritants ou saints). Quant aux fidèles, ils doivent pratiquer l’aumône, s’abstenir comme les moines du meurtre de tout être vivant, de vol, de luxure, de mensonge et de l’usage des boissons enivrantes et par extension de toute substance toxique.
Le « hinayana » a compté une vingtaine de sectes, nées la plupart avant notre ère chrétienne, et dont seul subsiste aujourd’hui le « Theravada », ou « l’enseignement des anciens », florissant au Sri Lanka, en Thaïlande et Birmanie, et naguère au Combodge et au Laos.
Le « Petit Véhicule » réunit 35% des bouddhistes du monde.

B – Le Grand Véhicule (Mahayana)

Le bouddhisme « Mahayana » terme sanskrit signifiant. « grand Véhicule » est plus tardif. Il consiste en une forme de bouddhisme développé aux alentours du 1er ou du 2eme siècle de notre ère, en réaction à la « doctrine des Anciens », jugées trop austère. Ce bouddhisme ne se limite pas aux seuls écrits du Bouddha historique, mais s’appuie aussi sur des textes postérieurs des exégèses et les écrits d’autres « maîtres ».
Fortement inspirés de l’ hindouisme, les préceptes du « Mahayana » réintroduisent des idées éliminées pas Bouddha : le salut par la dévotion, le ritualisme, ou la présence des divinités.
La spécificité réside dans la dévotion particulière adressée aux « Boddhisattvas », les Etres destinés à l’Eveil, les futurs « Bouddhas».
A la rigueur et à la discipline personnelle du « Petit Véhicule » (expression péjorative), le « Grand Véhicule » oppose la compassion et l’intercession pas le « bodhisattva », dont la sagesse personnelle est utilisée pour venir en aide à autrui. Il exhorte ses adeptes à devenir non pas des saints, mais des « bodhisattvas », en portant à sa perfection l’exercice des vertus, notamment en aidant et secourant les autres êtres, sans épargner leur peine ni leur vie, et en retardant leur propre entrée dans le « Nirvana » jusqu’à ce que tous les autres l’aient atteint eux-mêmes. L’idéal même de l’adepte est transformé. On n’aspire plus au « Nirvana », mais à la condition de « Bouddha ». Pour mieux comprendre, on pourrait recourir à la métaphore du « puit » : les êtres sont aux fond du puits, un « arrhant » sort d’abord et va chercher une corde pour les autres, alors qu’un « bodhisattva » fait la courte échelle au autre sans essayer de sortir lui-même. La « compassion » est poussée à son maximum sans égard pour la sagesse.
Les laïcs, eux aussi, peuvent accéder au « Nirvana » à condition qu’ils pratiquent avec foi l’amour et la compassion envers autrui, et effectuent quotidiennement les exercices de yoga enseignés par leur guides spirituels.
Le « Grand Véhicule » est surtout présent au nord de l’Inde, en Chine, en Corée (le « Son » dont notamment l’école « Chogge »), au Japon (le « Zen ») et dans le Sud Est Asiatique.
62% des bouddhistes du monde suivent cette « voie ». Longtemps cantonnées dans des espaces géographiques différents le « Mahayana » et « l’école des Anciens » sont parfois à nouveau en opposition, Pour le « Theravada », la primauté historique est un gage d’orthodoxie envers l’enseignement de Bouddha, les changements du « Mahayana » étant perçus comme une dénaturation du message originel. Pour les partisans du « Mahayana », le qualificatif « hinayana » désigne dans leurs enseignements une spiritualité sèche ou une recherche tournée vers la seule réalisation personnelle, ce qui , selon eux, va à l’encontre du but recherche.

C – Tantrisme bouddhique (Vajrayana)

Beaucoup le considèrent, non pas comme un troisième véhicule, mais comme une branche du Mahayana, car sa finalité est similaire : devenir Bouddha. Il emprunte sa base aux textes du grand Véhicule, mais en accentue les éléments légendaires et fantastiques.
Ensemble de sectes nées du Mahayana à partir du VIIeme siècle, différentes les unes des autres par leur doctrines et leur pratiques religieuses, ou l’on note une forte influence de l’hindouisme. Elles se distinguent par un panthéon riche et complexe et par des activités rituelles, ou symbolique et magie exercent des fonctions déterminantes. Les exercices de Yoga et la pratique de la méditation, alliés à la psalmodie des paroles rituelles (« mantra ») sont les bases de la pratique. On trouve le « Tantrisme » bouddhique ou Bhoutan, ou Ladalah, en Mongolie, il a donne naissance au Tibet, à une nouvelle forme de Bouddhisme, le « lamaisme » empreint d’hindouisme et d’une magie propre aux peuples tibétains (le Daila Lama)
Si le bouddhisme tibétain est actuellement la forme du bouddhisme la plus diffusée en Occident, cette voie ne représente en fait que 2% de la population bouddhiste mondiale !

4 – Le Bouddhisme en Corée

Le bouddhisme « Mahayana » fut introduit dans la péninsule coréenne, alors divisée en « trois Royaumes » en 372 après J.C., par des moines chinois. Il devient très vite religion d’Etat dans les royaumes de « Koguryo » (en 372) et de « Paektche » (en 384). Le Royaume de « Shilla » l’adopte en 572.
La période qui suivit (Shilla unifié 668-918) fut celle de l’apogée du bouddhisme et vit la construction des temples de « Sokkuram » et sa grotte au Bouddha au sud est de la péninsule non loin de l’ancienne capitale Kyongju.
Pendant le Royaume de « Koryo » (918-1392) le bouddhisme est toujours religion d’Etat mais commence à perdre de son influence à la fin de sa dynastie, car des dérives quotidiennes détruisent l’image des moines ! Ils choisissent de devenir prêtres pour échapper aux impôts, au service militaire et aux corvées ; des armées de moines soldats entretenus par les temples se déconsidèrent en participant à des émeutes et des conflits, certains maîtres issus de l’aristocratie sont mêles à des complots politiques visant à déstabiliser l’Etat, certains sont achetables et d’autres abusent de leur pouvoir…
Le personnage de moine corrompu entre même dans le corpus des personnages mis en scène dans les danses masquées et les légendes populaires…
Lors de l’invasion mongole du XIIIeme sicle, l’élaboration du « Trijikana Koreana » (Texte canonique bouddhiste gravé sur bois sur quelques 82000 tablettes qui sont considérées comme patrimoine de l’humanité, trésor national de Corée et conservées aujourd’hui au temple de HAIENSA près de Taegu) ne suffit pas à chasser les envahisseurs et on reproche aux bouddhistes leur impuissance.
Le bouddhisme subit la monté en puissance des néo-confucianistes. Au début de la dynastie CHOSON (1392-1910), le général YI SONG-GYE chasse les bouddhistes de la Corée, et ordonne la destruction des temples en ville. Les moines se réfugient dans les montagnes et y construisent leurs temples.
Sous l’occupation japonaise (1910-1945) le bouddhisme fut utilisé comme arme par les 2 camps ; les japonais essayèrent de créer des écoles bouddhistes fidèles à leur secte afin de diffuser leur culture et mieux contrôler la population coréenne. Ces tentatives de main mise sur les esprits eurent pour conséquence le réveil du bouddhisme coréen et une implication de celui-ci dans les mouvements de lutte contre l’occupation japonaise et la promotion de l’indépendance de la Corée.
Le bouddhisme coréen est issu principalement de deux traditions : le « SON », issu du «CHAN » chinois, base sur les techniques de méditation, et le « KYO », ou on étudie l’enseignement de Bouddha en se concentrant essentiellement sur les Tripitakas, c’est-à-dire le respect des règles monastiques, l’étude des discours de Bouddha, les « SUTRAS », et les commentaires sur ces discours.
A la fin du XIIeme siècle, en Corée, ces deux courants seront unifies sous le nom de « Chogye » (un ordre « Zen »). Si cette secte est la plus importante aujourd’hui dans la péninsule coréenne, 18 autres sectes sont reconnues officiellement.
Un nouveau courant, le « Won », fonde en 1924, occupe également une place importante dans le bouddhisme actuel.
Toutes les sectes partagent néanmoins la même philosophie et les mêmes usages, leurs différences résident surtout dans l’importance donnée à tel ou tel rite…
Depuis 1975, le jour de la naissance de Bouddha, dont la date change chaque année, est férie en Corée, et donne lieu à de splendides processions et de belles festivités dans tous les temples de la péninsule.